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Page:London - Le Cabaret de la dernière chance, 1974.djvu/150

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depuis trop longtemps déjà John Barleycorn me tenait sous sa tutelle. J’étais trop avancé pour mon âge.

Et cependant, dans un avenir meilleur, lorsque l’alcool aura été éliminé de nos besoins et institutions, ce sont des associations comme l’Y. M. C. À., ou des sociétés encore plus utiles, plus sérieuses et plus viriles, qui recevront les hommes aujourd’hui habitués à se rencontrer dans les bars. Mais, pour l’instant, il s’agit de nous, et nous devons nous limiter à notre époque.

Je travaillais dix heures par jour à la fabrique de jute, au bruit assourdissant des machines. Je voulais vivre, manifester mes aptitudes ailleurs que devant un métier à dix cents l’heure. Cependant, j’en avais plein le dos, des bars, et je recherchais quelque chose de nouveau. Je grandissais. Je sentais se développer en moi des forces troublantes et des penchants insoupçonnés. À cet instant précis de ma vie, j’eus la chance de rencontrer Louis Shattuck, et nous devînmes tout de suite camarades.

Dépourvu du moindre vice, Louis Shattuck ne songeait qu’à s’amuser en diable, le plus innocemment du monde, tout en se persuadant à lui-même que la ville l’avait corrompu. Beau garçon, gracieux, il raffolait des filles, et cette passion l’absorbait complètement. Quant à moi, j’ignorais tout des femmes, car jusqu’alors j’avais été trop occupé à devenir un homme. Cette phase nouvelle de l’existence m’avait échappé.

La première fois que je le vis me dire au revoir, soulever son chapeau devant une jeune fille de sa connaissance, et s’éloigner avec elle sur le trottoir, je sentis naître en moi un mouvement