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Page:London - Le Cabaret de la dernière chance, 1974.djvu/153

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pas de sucer des bonbons — c’était tout ce que nous pouvions nous offrir. Ni l’un ni l’autre nous ne buvions et jamais nous ne pénétrions dans un bar.)

Revenons à la femme. D’une façon très rudimentaire, selon les conseils de Louis, je devais d’abord en choisir une, puis faire sa connaissance. De bonne heure, le soir, nous descendions dans les rues, et croisions des jeunes filles qui, comme nous, se promenaient par couples. Cela ne rate jamais : filles en promenade et garçons en balade, toujours jeunesse se regarde. (À ce jour encore, dans quelque ville, village ou hameau que je me trouve, bien que j’aie atteint l’âge mûr, j’observe avec des yeux expérimentés et séduits le petit manège innocent et aimable auquel ne manquent pas de se livrer les garçons et les filles sortis pour répondre à l’appel des soirées de printemps et d’été.)

Dans cette phase arcadienne de mon histoire, j’avais contre moi le gros inconvénient de revenir, endurci, d’un autre côté de la vie, et d’être timide à l’excès. Louis me remontait à chacune de mes défaillances. Néanmoins, je ne savais rien des femmes : ma précoce existence d’homme me les faisait considérer comme des êtres bizarres et merveilleux, mais le toupet et la jactance nécessaires me faisaient défaut à l’instant critique.

Alors Louis me montrait la manière de s’y prendre : il lui suffisait, pour remporter la victoire, d’un regard éloquent, d’un sourire, d’un peu d’aplomb, d’un coup de chapeau, d’une parole adroite, ou même d’hésitations, de petits ricanements, d’une nervosité contenue. De la