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Page:London - Le Cabaret de la dernière chance, 1974.djvu/165

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légendes qui, à mon époque, avaient encore cours auprès des jeunes Américains.

Par exemple, un simple terrassier avait en lui-même la possibilité de devenir président des États-Unis. N’importe quel jeune employé pouvait à force d’épargne, d’énergie et de tempérance, se mettre au courant de l’affaire, monter de grade en grade et un beau jour participer aux bénéfices, après quoi il n’avait plus qu’un pas à franchir pour être nommé principal associé. Fréquemment aussi — suivant cette légende — le jeune homme qui se faisait remarquer par son sérieux et son application au travail épousait la fille de son employeur. Mes succès féminins m’avaient inculqué une telle foi en moi-même que je ne doutais pas un instant de voir le jour où le patron m’offrirait sa fille. C’était d’après la légende le sort réservé à tous les enfants sages atteignant l’âge du mariage.

Je dis donc adieu pour toujours aux routes de l’aventure, et je me rendis à la centrale électrique d’une de nos compagnies de tramways d’Oakland. Je fus introduit auprès de l’administrateur lui-même, dans un bureau privé si élégant que j’en restai abasourdi. Néanmoins je lui parlai franc : je désirais devenir ouvrier électricien, je ne redoutais pas la rude besogne, à laquelle j’étais d’ailleurs habitué. Il n’avait qu’à me regarder pour juger de ma force. J’ajoutai que je voulais commencer au dernier échelon, puis m’élever par mon travail, et que le but de ma vie serait de me consacrer uniquement à l’emploi qu’on voudrait bien me confier.

En m’écoutant, l’administrateur s’épanouissait dans un large sourire.