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Page:London - Le Cabaret de la dernière chance, 1974.djvu/197

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faciles. J’attaquai l’histoire, et je m’endormis. La littérature produisit le même effet. Enfin, voyant que je ne parvenais même pas à suivre les romans les plus gais, j’abandonnai.

Quand arrivait le samedi soir, et jusqu’au lundi matin, je ne connaissais plus que deux désirs : dormir et m’enivrer.

Pour la deuxième fois de ma vie, j’entendais l’appel irrésistible de John Barleycorn. C’avait été, d’abord, à la suite d’un surmenage cérébral. À présent, tel n’était plus le cas. Au contraire, j’éprouvais le morne engourdissement d’un cerveau qui ne fonctionnait pas. C’était justement ça le problème. Mon esprit était devenu si alerte et si avide d’apprendre, à tel point stimulé par les merveilles d’un nouveau monde découvert grâce aux livres, qu’il endurait actuellement toutes les tortures de l’inaction et de l’inertie.

Lié de longue date avec John Barleycorn, je ne voulais connaître de la vie que ce qu’il m’en avait promis : caprices d’imagination, rêves de puissance, oubli de tout, n’importe quoi plutôt que ces lessiveuses tourbillonnantes, ces cylindres rotatifs, ce vrombrissement des essoreuses, ce blanchissage de fin, et ces interminables processions de pantalons de coutil fumant sous mon fer infatigable.

Voilà bien ce qui se passe. John Barleycorn lance son appel aux faibles et aux vaincus, démoralisés par l’ennui et l’épuisement. Pour tous il représente le seul moyen d’en sortir. Mais c’est une duperie continuelle. Il offre une force factice au corps, une fausse élévation à l’esprit, en dénaturant les choses qu’il montre sous un jour considérablement embelli.