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Page:London - Le Cabaret de la dernière chance, 1974.djvu/208

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écrivain sont les longues et douloureuses mortes-saisons où on ne voit jamais venir un chèque des journaux, alors que tous les objets de quelque valeur ont pris le chemin du clou.

Pendant presque tout l’hiver, je portai inon costume d’été. Mais l’été suivant, je passai une sale période, la plus dure de toutes, surtout à l’époque des vacances, où les manuscrits restent dans les tiroirs des bureaux de rédaction jusqu’à la rentrée du personnel. La tâche était d’autant plus ardue que je n’avais personne pour me conseiller. Parmi mes amis, pas un seul qui avait écrit ou tenté d’écrire. Néanmoins je découvris que pour réussir dans la profession d’auteur, il me faudrait désapprendre à peu près tout ce que les professeurs de littérature de l’école secondaire et de l’Université m’avaient enseigné. Sur le moment j’en conçus une grande indignation 4 mais à présent je comprends très bien ce qui s’était passé : en 1895 et 1896, on ignorait tout des procédés qui mènent un écrivain à la renommée. On connaissait parfaitement Snow Bound et Sartor Resartus, mais les directeurs de revues américaines de 1899 ne voulaient plus entendre parler de ce genre d’ouvrages. Il leur fallait quelque chose de moderne, et ils offraient un prix si alléchant pour toute nouveauté que les professeurs de littérature auraient donné leur démission pour s’adonner exclusivement à produire des romans selon le goût du jour s’ils en avaient été capables.

Je continuai à lutter. Je fis de longs détours pour éviter le boucher et l’épicier, j’engageai une fois de plus ma montre, ma bicyclette et le manteau de mon père, et me mis sérieusement