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Page:London - Le Cabaret de la dernière chance, 1974.djvu/220

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qui vont toujours de pair avec les souffrances morales.

Mon expérience de la vie n’était pas extraordinaire. J’avais trop étudié la science positive et conformé mes actes à celle-ci. Dans l’ardeur de ma jeunesse, j’avais commis l’erreur, vieille comme le monde, de m’acharner à la recherche de la Vérité. Lorsque j’eus déchiré ses voiles, ce que je vis m’inspira une horreur que je ne pus surmonter. En un mot, presque rien ne me resta de mes belles croyances, sauf ma foi en l’humanité, une humanité vraiment pure.

Cette longue crise de pessimisme est une maladie trop commune à la plupart d’entre nous pour que je la commente. Il me suffira de dire que la mienne avait atteint une telle intensité que je songeai au suicide avec une froideur de philosophe grec. La pensée des êtres qui dépendaient de moi pour la nourriture et l’abri me fit réfléchir. Mais c’était une pure question de morale. En vérité, ce qui me sauva fut ma dernière illusion : le Peuple.

Les connaissances arrachées à force de luttes au cours de mes veilles m’avaient déçu. Le succès ? Je le méprisais. Ma célébrité ? Je la comparais à des cendres éteintes. La société que je fréquentais, composée d’hommes et de femmes à peine au-dessus de la lie des gens du port et du gaillard d’avant, me déconcertait par sa laideur et sa médiocrité intellectuelle. L’amour féminin ? Il ressemblait au reste. Quant à l’argent, je ne pouvais dormir que dans un seul lit à la fois, et que représentait pour moi la valeur de cent biftecks par jour alors que je n’en pouvais consommer qu’un ? L’art et la culture —