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Page:London - Le Cabaret de la dernière chance, 1974.djvu/225

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écrire ou à étudier, je n’y pensais plus. Mais je vieillissais, je devenais prudent, ou sénile, comme on voudra. Les propos que j’entendais en société me plaisaient beaucoup moins qu’autrefois, si bien que c’était une torture pour moi d’écouter les platitudes et les stupidités des femmes, les arrogantes prétentions et les discours pompeux de pygmées à demi cuits. C’est le tribut qu’on doit payer quand on a trop lu ou qu’on est soi-même un imbécile, et il importe peu d’approfondir l’origine de mon mal : l’essentiel, c’est que je souffrais. Pour moi disparaissaient la vie, la gaieté, l’intérêt que je trouvais jadis dans mes relations avec mes semblables.

Je m’étais élevé trop haut parmi les étoiles ou peut-être me réveillais-je d’un sommeil trop profond, le surmenage n’avait pas provoqué chez moi de crises de nerfs. Mon pouls battait normalement. L’excellente condition de mon cœur et de mes poumons continuait à faire l’admiration des docteurs.

Tous les jours j’alignais mes mille mots. J’accomplissais avec une ponctualité rigoureuse et mêlée de joie tous les devoirs que m’imposait la vie. La nuit, je dormais comme un enfant. Mais… Mais à peine en compagnie des autres hommes, j’étais envahi par une sombre mélancolie ; dans le fond, j’avais envie de pleurer. Je ne trouvais plus la force de rire devant les solennelles proclamations d’individus que je tenais pour d’encombrants idiots. Je ne retrouvais pas non plus mon léger persiflage d’antan pour répondre aux babillages superficiels de femmes qui, sous leurs airs de sottise et de douceur, restent aussi primitives que les femelles préhistoriques, aussi naturelles