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Page:London - Le Cabaret de la dernière chance, 1974.djvu/226

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et redoutables dans la poursuite de leui destinée biologique, bien qu’elles aient remplacé leur peau de bêtes par des fourrures plus rares.

Je n’étais pas pessimiste, je le jure. Je m’ennuyais, voilà tout. Trop souvent j’avais assisté au même spectacle, entendu les mêmes chansons et les mêmes plaisanteries. J’avais trop fréquenté le théâtre et j’en connaissais si bien le machinisme que ni les artifices de l’acteur en scène, ni les rires et les chants ne parvenaient à couvrir chez moi le crissement des poulies derrière les décors.

Ça ne vaut pas le coup de pénétrer dans les coulisses ; on risque d’y découvrir un ténor à la voix angélique en train de rosser sa femme. C’est pourtant ce que j’avais osé, et j’en payais les conséquences. J’étais peut-être un imbécile, mais qu’importé ? Le fait est que mes rapports sociaux avec les hommes devenaient de plus en plus pénibles. D’autre part, je dois dire qu’en de rares, très rares occasions, il m’arrivait de rencontrer des âmes d’élite ou des idiots de mon espèce avec qui je pouvais passer des heures magnifiques dans les champs d’étoiles ou dans le paradis des fous. J’avais pour femme une de ces âmes d’élite ou de ces natures simples. Jamais avec elle je ne connus l’ennui. Elle était, pour moi, comme une source de délices et de surprises infinies. Mais je ne pouvais passer tout mon temps en sa compagnie, pas plus qu’il n’aurait été juste et sage de l’obliger à partager exclusivement la mienne. En outre, j’avais déjà publié une série de livres à succès : or le monde exige sa part des loisirs d’un auteur à la mode. Et tout homme normal a également besoin, de temps à autre, de la société d’autrui.