Page:London - Le Cabaret de la dernière chance, 1974.djvu/24

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jeune Italien moustachu, comme témoin du phénomène. Cette fois, un gobelet plein me fut présenté. Que ne ferait-on pour sauver sa peau ? Je pris mon courage à deux mains, refoulai la nausée qui me montait à la gorge, et sifflai mon verre. Dominique n’avait jamais vu pareil héroïsme chez un gosse. Par deux fois il remplit jusqu’au bord le verre que je vidai sous sa surveillance.

Cependant, mes prouesses avaient attiré l’attention. Je me vis entouré de journaliers italiens d’âge mûr, et de vieux paysans qui ne parlaient pas anglais et ne pouvaient danser avec les Irlandaises. De teint basané et d’aspect sauvage, ils portaient des ceintures et des chemises rouges ; je savais qu’ils étaient armés de couteaux. Une bande de pirates m’encerclait. Et Peter et Dominique me firent recommencer devant eux.

Si j’avais manqué d’imagination, si j’avais été stupide et têtu comme un mulet pour agir à ma guise, jamais je ne me serais mis dans cet état. Les garçons et les filles dansaient toujours, et personne ne se trouvait là pour me délivrer. Combien de verres ai-je bus ? Je l’ignore. Ce que je me rappelle, c’est d’avoir, au milieu d’une foule d’assassins, ressenti les affres de la peur pendant un siècle, et vu d’innombrables verres de vin rouge traverser la table inondée, avant de disparaître dans mon gosier en feu. Si détestable que fût le breuvage, un poignard planté dans le dos me semblait pire, et je voulais vivre, coûte que coûte.

Quand, avec mon expérience de buveur, je jette un regard en arrière, je sais maintenant