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Page:London - Le Cabaret de la dernière chance, 1974.djvu/23

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Il est possible que Peter eût déjà quelques verres dans le nez. Quoi qu’il en soit, une lueur diabolique brillait dans ses prunelles sombres qui représentaient pour moi le mystère et l’inconnu. Comment aurais-je pu, moi, moutard de sept ans, comprendre la flamme d’espièglerie qui les animait ? En les regardant, j’eus la vision d’une mort violente et je refusai timidement le vin. Quand il poussa le gobelet vers moi, leur expression devint plus dure, plus impérieuse.

Que pouvais-je faire ? Depuis, dans ma vie, j’ai affronté la mort pour tout de bon, mais jamais je n’en ai eu aussi peur qu’à ce moment-là. Je portai le verre à mes lèvres et le regard de Peter s’adoucit aussitôt.

Je compris qu’il ne me tuerait pas maintenant. Cette pensée me soulagea, mais je n’en puis dire autant de la boisson. C’était du vin nouveau et bon marché, âpre et amer, fabriqué avec le raisin abandonné dans les vignes et le résidu des cuves, et il avait bien plus mauvais goût encore que la bière. Il n’y a qu’une façon de prendre un remède : c’est de l’avaler. Voilà comment je bus ce vin : je rejetai la tête en arrière et j’en bus une gorgée. Je dus m’y prendre à deux reprises et m’efforcer de garder en moi ce poison ; c’en était un, en vérité, pour mon jeune organisme.

Quand j’y repense aujourd’hui, je comprends l’étonnement de Peter. Il emplit à demi un autre verre qu’il me passa à travers la table. Figé par la peur et accablé par le sort, j’avalai le deuxième verre comme le premier. C’en était trop pour Peter ; il voulut révéler l’enfant prodige qu’il venait de découvrir. Il appela Dominique, un