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Page:London - Le Cabaret de la dernière chance, 1974.djvu/240

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à mon bureau. Je souhaitais conserver cet état d’esprit, qui me permettait de maintenir mon énergie grâce à ce régime alcoolique. John Barleycorn, après tout, n’était pas aussi noir qu’on le dépeignait. Nui mieux que lui ne savait récompenser ses partisans, et j’étais un de ses favoris.

Je produisais une œuvre qui, je l’affirme, était saine, sincère et utile. Pas une ombre de pessimisme ! Pendant ma longue maladie, j avais appris à connaître le chemin de la vie. Je savais qu’il fallait des illusions, et je les exaltais. Aujourd’hui encore je fournis le même travail —propre, vivant, optimiste et toujours tendu vers la vie. Les critiques s’accordent tous pour louer nia vitalité débordante, et déclarer que je suis moi-même dupe de ces belles illusions que j’essaie de communiquer aux autres.

Pendant que je suis engagé dans cette disgression, on me permettra de répéter cette question que je me suis posée mille fois : Pourquoi buvais-je ? Oui, pourquoi ? J’étais heureux. Est-ce parce que je nageais dans le bonheur ? J’étais fort. Est-ce parce que je ne pouvais plus mesurer ma force ? Peut-être ma vitalité était-elle excessive ? J’ignore pourquoi je buvais. Je suis incapable de formuler la moindre réponse. Pourtant j’entends gronder en moi un soupçon qui ne fait que croître tous les jours. Pendant des années j’avais vécu en trop grande intimité avec John Barleycorn. Grâce à une longue pratique, un gaucher arrive à se servir de sa main droite. Étais-je parvenu, à mon tour, à forcer ma nature pour devenir à la longue un alcoolique ?

Oh, oui, j’étais heureux ! Triomphant d’une