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Page:London - Le Cabaret de la dernière chance, 1974.djvu/239

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dans la piscine, puis de magnifiques chevauchées dans les montagnes ou d’un bout à l’autre de la Vallée de la Lune, je me sentais si en forme, si heureux de vivre, que je désirais intensifier, si possible, ces instants magnifiques. Je possédais le secret de les prolonger. Un seul cocktail avant dîner étant insuffisant, j’en prenais deux. Deux ou trois, au moins. Pourquoi pas, après tout ? C’était vivre, ça. Et, de tout temps, j’ai chéri la vie.

Cela devint aussi une partie de mes habitudes quotidiennes.

Je finis par trouver perpétuellement des prétextes pour ingurgiter de nouveaux cocktails en fraude : la visite joyeuse d’une bande d’amis ; un accès d’irritation contre mon architecte ou un maçon qui chapardait dans ma grange ; la mort de mon cheval préféré, enchevêtré dans une barrière de fils de fer barbelés ; ou encore d’excellentes nouvelles dans le courrier du matin, venant de mes éditeurs et des journaux. Toute excuse était bonne dès lors que le désir s’était emparé de moi ; après vingt années d’hésitation au moins, je voulais enfin de l’alcool. Il m’en fallait deux, trois et même quatre fois plus qu’à un homme ordinaire pour obtenir l’effet voulu. Ma force devenait une faiblesse.

Sur un point je restais inflexible : jamais je ne touchais une goutte d’alcool avant d’avoir terminé mes mille mots quotidiens. Une fois ma tâche terminée, les cocktails dressaient dans ma cervelle un mur d’oubli entre mon travail et la journée de plaisir qui m’attendait. Je ne pensais plus à mon ouvrage en cours jusqu’au lendemain matin neuf heures, au moment où je m’asseyais