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Page:London - Le Cabaret de la dernière chance, 1974.djvu/284

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surprendre la raison pure en flagrant délit d’imposture, en train de murmurer ses mortelles suggestions. Elle a eu tort de se démasquer, elle s’est trahie par sa bienveillante chimie ; c’est la morsure de ses propres larves qui a réveillé les vieilles illusions, qui a ressuscité l’ancienne voix du fond de ma jeunesse, et lui a fait proclamer que je suis encore maître de possibilités dont la vie et les livres m’avaient appris la non-existence.

Et quand sonne le gong du dîner, j’ai retourné mon verre sens dessus dessous. Me gaussant de la raison pure, je vais rejoindre mes invités à table, et avec un sérieux de commande je discute les revues d’actualité et les ineptes faits du jour, usant de tous les trucs et ruses de la conversation pour exalter mes interlocuteurs au plus haut degré du paradoxe et du persiflage. Puis, quand l’humeur change, il est très facile et délicieusement déconcertant de jouer avec les respectables et timides fétiches bourgeois et d’accabler de railleries et d’épigrammes les dieux-fantômes et les débauches et les bêtises de la sagesse.

C’est le clown qui a raison. Le clown ! S’il faut être philosophe, soyons Aristophane. Et personne à table ne croit que suis ivre. Ils me jugent d’excellente humeur et disposé à m’occuper de bagatelles, voilà tout. Je suis fatigué de penser, et, à la fin du repas, je donne l’exemple de plaisanteries en action et j’inaugure toutes sortes de jeux, que nous poursuivons dans un vacarme bucolique.

La soirée terminée, quand tout le monde s’est dit bonsoir, je repasse à travers ma tanière remplie de livres, je regagne la véranda où je me couche. Je rentre en moi-même et je retrouve la