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Page:London - Le Cabaret de la dernière chance, 1974.djvu/287

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je me suis livré, précisément dans cette période de formation ; et qu’un maigre pourcentage d’adultes, s’adonnant à l’alcool avec autant de fougue que je m’y suis abandonné dans mon âge d’homme, auraient survécu pour raconter leur histoire. Je m’en suis tiré non pas grâce à une vertu personnelle, mais parce que je n’avais pas la constitution chimique d’un dipsomane, parce je possédais un organisme extra-ordinairement résistant aux ravages de John Barleycorn. Et, ayant survécu, j’ai vu mourir les autres, moins chanceux, tout le long de cette lamentable route.

C’est grâce à une bonne fortune sans défaillance, à une veine absolue, que j’ai pu échapper aux feux de John Barleycorn. Ma vie, ma carrière, ma joie de vivre n’ont pas été détruites : il est vrai qu’elles ont été roussies. Pareilles aux rescapés d’une lutte désespérée, elles ont survécu par miracle et peuvent s’étonner devant le tableau des victimes.

Les survivants des grandes tueries d’autrefois criaient qu’il ne fallait plus de guerres. Moi je crie que nos jeunes gens ne doivent plus avoir à se battre contre le poison. Pour qu’il n’y ait plus de guerre, il faut empêcher les batailles. Pour supprimer l’ivrognerie, il faut empêcher de boire. La Chine a mis fin à l’usage général de l’opium en interdisant la culture et l’importation de l’opium. Les philosophes, les prêtres et les docteurs de la Chine auraient pu prêcher jusqu’à extinction de voix, prêcher pendant mille ans, et l’usage de la Drogue aurait continué sans ralentissement tant qu’il était possible de s’en procurer. Les hommes sont ainsi faits, voilà tout.