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Page:London - Le Cabaret de la dernière chance, 1974.djvu/292

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claire et simple : cette abstention est tout ce qu’il y a de plus facile : pourquoi ne pas continuer une fois revenu à terre ? Je pesai soigneusement le pour et le contre de ce problème. Je l’approfondis pendant cinq mois de stricte tempérance. Et j’arrivai à certaines conclusions grâce aux données de mon expérience passée.

Tout de suite, je fus convaincu que pas un homme sur dix mille, ni même sur cent mille, n’est un véritable dipsomane par suite d’une prédisposition chimique. L’ivrognerie, comme je la comprends, est presque exclusivement une habitude mentale. Ce n’est pas comme le tabac, la cocaïne, la morphine ou toute autre de ces drogues dont la liste est si variée. Le désir d’alcool, tout particulièrement, est engendré dans l’esprit. C’est une affaire d’entraînement mental et de croissance mentale, et c’est une plante qui est cultivée dans le terrain social. Sur un million de buveurs, pas un n’a commencé à boire tout seul. Toute ivrognerie est d’origine sociale, et est accompagnée d’un millier d’implications sociales.

Il est question de l’East End de Londres dans la conversation ou dans un livre : tout de suite, sous mes paupières, se profilent des visions de bars brillamment éclairés, et à mes oreilles résonnent les ordres des consommateurs : « deux bitter », « trois Scotch ». S’il s’agit du Quartier Latin[1], je me trouve immédiatement dans les

  1. Au cours de l’année 1902, après avoir écrit Le Peuple de l’Abîme à Londres, Jack London en profita pour faire une brève visite aux principales villes d’Europe, et s’arrêta quelque temps à Paris. (N. d. T.)