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Page:London - Le Cabaret de la dernière chance, 1974.djvu/48

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assis dans la cabine de l’Idler entre le harponneur et le matelot, ignorait toute cette sagesse acquise après coup. Mes narines palpitaient à l’odeur moisie des vêtements de marins, et je chantais en chœur avec les autres : « Un bateau yankee descend le fleuve — hardi ! les petits, hardi ! »

Nous pleurions comme des Madeleines, nous parlions et nous criions tous à la fois. J’avais une constitution splendide, un estomac capable de digérer de la ferraille, et j’étais encore en pleine possession de moi-même quand Scotty se mit à donner des signes d’épuisement. Sa conversation devint incohérente. Il cherchait des mots sans les trouver et ne pouvait articuler ceux qui arrivaient sur ses lèvres. Sa conscience commençait à lui faire défaut. L’éclat de ses yeux se ternissait et leur expression devenait aussi stupide que ses tentatives pour parler. Son corps s’affaissait, tout comme sa raison, car on ne peut se tenir droit que par un effort de volonté. Le cerveau vacillant de Scotty n’arrivait plus à commander— ses muscles. Toutes les coordinations de ses mouvements se détraquaient. Il essaya de boire encore, mais il lâcha le gobelet qui tomba par terre. Alors, je le vis, à ma grande surprise, pleurer amèrement, rouler sur îe dos dans une couchette et, aussitôt, s’endormir en ronflant.

Le harponneur et moi nous continuâmes à boire avec un ricanement d’êtres supérieurs, en regardant Scotty étalé devant nous.

Le dernier flacon fut vidé par nous deux au son des ronflements du vaincu. Puis ce fut au tour du harponneur de disparaître dans sa