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Page:London - Le Cabaret de la dernière chance, 1974.djvu/57

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une tête solide et un estomac à toute épreuve, et je me sentais de force à boire modérément avec eux, sans m’empoisonner pour toute une semaine. Je pouvais tenir aussi bien le coup qu’eux, d’autant qu’ils avaient commencé avant moi.

L’heure des chansons arriva. On entonna : Le Cambrioleur de Boston et Loulou la Négresse ; la Reine nous fit entendre : Si j’étais petit oiseau ! et Tess : Oh ! ménagez ma pauvre fille ! L’hilarité se déchaîna en rafale. Je pus esquiver quelques verres sans être remarqué ou rappelé à l’ordre. Et comme je me tenais sous le capot, la tête et les épaules sorties, il m’était facile de lancer le vin par-dessus bord.

Voici à peu près comment je raisonnais : c’est par bizarrerie qu’ils aiment cet immonde picrate, tant pis pour eux ! Je ne tiens nullement à contrarier leurs goûts. Ma virilité exige, suivant leurs singulières notions, que je paraisse aimer le vin. Parfait, je lui ferai bonne figure. Mais je n’en boirai que la quantité inévitable.

Bientôt la Reine se mit à me faire la cour, à moi, dernier venu de la flotte des pirates — non pas simple matelot, mais capitaine propriétaire. Elle m’emmena prendre l’air sur le pont. Naturellement, elle n’était pas sans savoir que Frank-le-Français se mordait les poings de rage en bas — ce que j’ignorais totalement.

Tess vint s’asseoir près de nous sur la cabine. Puis l’Araignée et Bob nous rejoignirent et, enfin, Mme Hadley et Frank-le-Français. Nous restâmes là à chanter, verre en main, tandis que circulait la dame-jeanne pansue. J’étais le seul de toute la bande qui pût se dire vraiment à jeun.