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Page:London - Le Cabaret de la dernière chance, 1974.djvu/58

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Nul, plus que moi, n’était capable de savourer la situation. Dans cette atmosphère de bohème, je ne pouvais m’empêcher de comparer mon rôle actuel avec celui de la veille lorsque, installé devant ma machine dans une atmosphère renfermée et suffocante, je répétais sans relâche et à toute vitesse les mêmes gestes d’automate.

Ici, le verre en main, je partageais la chaude camaraderie de ces aventuriers qui refusaient de s’assujettir à la même routine, narguaient les contraintes légales, et risquaient comme ils l’entendaient leur vie et leur liberté. C’est encore John Barleycorn qui m’avait mêlé à cette superbe compagnie d’âmes sans frein, sans peur et sans vergogne !

La brise de mer me picotait les poumons, et frisait les vagues au milieu du chenal. Devant elle avançaient à la file les gabares plates, réclamant à grands coups de sirènes l’ouverture des ponts tournants. Des remorqueurs aux cheminées rouges passaient à toute vitesse, berçant le Razzle-Dazzle dans leur sillage. Un bateau sucrier sortait du « boneyard » en remorque vers la mer. Le soleil miroitait sur la surface ondulée et la vie était formidable, L’Araignée chantait :


Je te trouve enfin, Loulou-la-négresse !
Où donc étais-tu, ma belle maîtresse !
— J’étais en prison,
J’attendais ma rançon,
Espérant sans cesse
Ton retour, beau garçon !


Le voilà bien, le stimulant de l’esprit de révolte, d’aventure, de romanesque, des choses