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Page:London - Le Cabaret de la dernière chance, 1974.djvu/79

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J’étais un homme, à présent, et je voulais faire table rase de tout ce qui me liait à mon enfance.

Ma renommée grandissait. Lorsqu’on se raconta, sur les quais, comment Frank-le-Français avait tenté de me couler avec la goélette, comment je m’étais tenu sur le pont du Razzle-Dazzle, un fusil à deux coups dans les mains, tandis que je manœuvrais mon bateau à l’aide de mes pieds sans dévier de cap, comment, enfin, je l’obligeai à donner un coup de barre et à s’écarter de ma route, tous les gens du port déclarèrent qu’il y avait de l’étoffe en moi. Je continuai à leur montrer ce que j’avais dans le ventre. Certains jours je rentrais avec le Razzle-Dazzle chargé à lui seul de plus d’huîtres que toutes les autres embarcations à deux hommes. Une fois nous avions poussé notre incursion jusque dans la baie inférieure, et mon bateau fut le seul qui revint dès l’aube au mouillage de l’Ile des Asperges. Certain jeudi nous fîmes une course de nuit pour arriver au marché ; le Razzle-Dazzle, qui, pourtant, avait perdu son gouvernail, arriva le premier de la flotte, et c’est moi qui écumai le meilleur de la vente, le vendredi matin. Enfin, une autre fois, je ramenai mon bateau de la baie supérieure avec un simple foc, parce que Scotty avait mis le feu à ma grand-voile. (Oui, c’était le Scotty de l’aventure de l’Idler. L’Irlandais avait succédé à l’Araignée, et Scotty, arrivant sur ces entrefaites, avait pris la place de l’Irlandais.)

Cependant mes exploits sur l’eau comptaient peu. Ce qui couronna le tout et me fit mériter le titre de « Prince des Pilleurs d’Huîtres », c’est qu’un jour à terre je me montrai bon garçon et