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Page:London - Le Cabaret de la dernière chance, 1974.djvu/97

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l’usine n’offre pas d’instants mémorables. Mais si le fait de dépenser cent quatre-vingts dollars en douze heures ne marque pas un moment extraordinaire dans la vie d’un homme, je me demande ce qu’on peut faire de mieux.

Je laisse de côté nombre de détails sur mon commerce avec John Barleycorn pendant cette période, et ne mentionnerai que les événements susceptibles d’éclairer ses procédés.

Trois raisons me permettaient de ne pas m’arrêter en si bon chemin : d’abord, une magnifique constitution bien au-dessus de la moyenne, puis ma vie saine au grand air du large, et enfin le fait que je buvais irrégulièrement. Sur mer nous n’emportions pas de spiritueux.

L’univers m’ouvrait ses grandes portes. J’avais déjà parcouru plusieurs centaines de milles sur l’eau ; je connaissais des villes, des villages et des hameaux de pêcheurs sur les côtes. Bientôt une voix me conseilla de pousser plus avant mes aventures. Je n’avais pas encore songé qu’au-delà de mon horizon, s’étendait un autre monde, mais ce que nous en connaissions déjà paraissait trop vaste à Nelson. Il regrettait son bien-aimé Oakland. Aussi quand il se décida à y retourner, nous nous séparâmes dans les meilleurs termes.

J’établis alors mes quartiers dans la vieille ville de Bénicia, sur le détroit de Carquinez. Dans un groupe de vénérables arches de pêcheurs amarrées dans les criques du front de mer, vivait une foule sympathique d’ivrognes et de vagabonds, auxquels je me joignis. Entre mes parties de pêche au saumon et les raids que j’accomplissais sur la baie et les rivières comme patrouilleur, je jouissais de plus longs loisirs