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Page:London - Le Loup des mers, 1974.djvu/109

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JACK LONDON

tarder et, prévenu comme je l’étais, je ne fus qu’à moitié surpris de l’explosion.

Je venais d’avoir, avec Loup Larsen, une chaude discussion, toute spéculative, quand, passant à des considérations plus objectives, je mis directement sur la sellette, imprudemment je l’avoue, mon redoutable interlocuteur.

Je lui dis carrément tout ce que j’avais sur le cœur, ce que je pensais de son immoralité et de son égoïsme, et mis son âme à nu comme il avait l’habitude de le faire pour les autres. Je me montrai, sans ménagements, sévère et juste, et je m’emballai si bien que Loup Larsen s’exaspéra.

Je vis, trop tard, son visage, bronzé par le soleil, devenir noir de rage et ses yeux se mettre à lancer des flammes. Il n’y avait plus, en eux, aucun signe de raison, ni même d’intelligence. C’était l’exaltation terrible d’un fou. Le loup reparaissait. Le loup enragé.

Larsen bondit sur moi, avec un sourd rugissement, et m’empoigna par le bras. Je me cabrai, décidé à lui tenir tête, malgré ma frayeur. Mais la force gigantesque de cet homme était au-dessus de mes moyens de défense.

D’une main, il m’avait agrippé le biceps et, quand il resserra son étau, la douleur fut telle que mes jambes cédèrent sous moi et que je m’affaissai en poussant un cri. J’avais l’impression que mon bras n’était plus que de la bouillie.

En me voyant tomber, Loup Larsen sembla

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