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Page:London - Le Loup des mers, 1974.djvu/124

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Mon intimité avec Loup Larsen s’accroît, si on peut nommer ainsi les relations susceptibles d’exister entre capitaine et matelot, ou mieux encore, entre roi et bouffon.

À ses yeux, je ne suis qu’une marotte et il m’accorde exactement autant de valeur qu’un enfant à son jouet.

Mon rôle est de le divertir. Et, tant que je le divertis, tout va bien. Mais, s’il lui arrive de me trouver ennuyeux, ou de tomber dans une de ces humeurs noires qui le prennent parfois, je suis immédiatement renvoyé à la cuisine. Encore dois-je alors m’estimer heureux de m’en tirer sain et sauf.

Personne, à bord, qui ne craigne ou haïsse ce solitaire. Personne, non plus, qu’il ne méprise pas. On dirait qu’il se consume lui-même du terrible pouvoir qu’il possède et trouve, autour de lui, un déversoir insuffisant. Cet homme est tel que le serait Lucifer, si cet esprit orgueilleux apparaissait sur la terre et venait vivre parmi nous.

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