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Page:London - Le Loup des mers, 1974.djvu/125

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JACK LONDON

L’isolement où se complaît Loup Larsen a déjà, en soi, une influence fâcheuse, qui s’aggrave de la mélancolie particulière à la race scandinave.

Je comprends mieux, maintenant, connaissant Loup Larsen, les vieux mythes de la religion d’Odin. Les sauvages à peau blanche et à cheveux blonds, qui créèrent ce panthéon terrible, étaient de cette espèce.

L’insouciante gaieté des Latins est inconnue de Loup Larsen. Quand il lui arrive de rire, c’est une forme différente de sa férocité, et rien d’autre. Mais il rit rarement. Une sombre hypocondrie, qui a de profondes racines ataviques, constitue le fond de sa nature. C’est cette tristesse latente, fanatisée, qui a produit, chez les Anglais, l’Église réformée et des êtres du type de Mrs. Grundy[1].

Mais la religion, qui est par elle-même une consolation, manque à Loup Larsen et l’abandonne à sa sombre humeur. Son matérialisme brutal constitue toute sa philosophie. En sorte que, quand il est envahi par ses idées noires, il ne peut que devenir diabolique.

S’il avait été un autre homme, j’aurais eu, ces jours-ci, pitié de lui. Alors que j’entrais, le matin, dans sa cabine, pour remplir son pot à eau, je le trouvai la tête enfouie dans ses mains. Ses épaules étaient secouées convulsivement, comme par des sanglots.

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  1. Personnage symbolique, aux idées étroites et obstinées.