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Page:London - Le Loup des mers, 1974.djvu/140

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LE LOUP DES MERS

galeux, vivant, dit-il, vaut mieux qu’un lion mort. » Il aurait préféré la vanité de la vie, et ses tourments, au silence et à l’immobilité de la tombe.

« Je suis tout à fait comme lui. Ramper en ce bas monde est une chose répugnante. Mais ne pas ramper du tout, devenir insensible, à l’égal d’une motte de terre ou d’un bout de rocher, est encore plus terrifiant à envisager.

« Ça révolte la vie qui palpite en moi, et dont l’essence même est le mouvement. Vivre est une vanité. Mais regarder par-delà la mort en est une bien plus grande encore.

Je ripostai :

— D’autres que vous ont su tirer de leur matérialisme des conclusions moins amères et sans s’empoisonner l’existence, comme Omar Khayyam. Lui du moins, après s’être torturé l’esprit toute sa jeunesse, de ces troublantes spéculations sur nos fins dernières, est parvenu à se fabriquer une philosophie joyeuse qui lui a permis de vivre heureux.

— Qui est Omar Khayyam ? demanda Loup Larsen.

Et ce jour-là, comme le lendemain, je fus libéré de tout travail.

Loup Larsen, le hasard n’ayant jamais fait tomber le livre entre ses mains, ignorait totalement le Rubaiyat, que je connaissais à fond. Les deux tiers des quatrains chantaient dans ma mémoire et je pus, sans trop de difficulté, retrouver les autres.

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