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Page:London - Le Loup des mers, 1974.djvu/142

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LE LOUP DES MERS

— Qui ? Moi ?

— Parfaitement. Lorsque vous avez vu le coq aiguiser son couteau à votre intention, vous avez eu peur de mourir. La vie qui est en vous, qui est plus grande que vous, s’est refusée à mourir. Vous êtes pris. En face des réalités, votre immortalité n’est qu’une farce sinistre sans grande importance à vos yeux.

— Pas du tout… Vous me faites dire ce que je n’ai jamais dit.

— Allons donc ! La peur du coq l’emporte, chez vous, sur votre foi en la vie éternelle. Si moi-même, en ce moment, je vous saisissais à la gorge, comme ça…

Loup Larsen fit comme il disait. Sa large main m’encercla le cou et j’eus la respiration coupée.

— … et si je resserrais encore ma prise vous mourriez. Alors, votre instinct d’immortalité vacillerait, vous vous prendriez à aimer follement l’existence, vous vous débattriez de toutes vos forces pour sauver votre peau. Hein ? Est-ce vrai ?

« … Je lis dans vos yeux la crainte de la mort. Vous frappez l’air avec vos bras. Vous mettez en œuvre toute votre énergie pour lutter et vivre. Votre main s’agrippe à mon biceps, et elle me semble aussi légère qu’un papillon qui serait venu s’y poser… Je vois haleter votre poitrine, la langue vous sortir de la bouche, votre visage qui noircit ; et vos yeux se révulser…

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