Aller au contenu

Page:London - Le Loup des mers, 1974.djvu/143

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
JACK LONDON

« Tout votre être crie : « Vivre ! Vivre ! Je veux vivre ! » Et pas dans un autre monde, mais maintenant, dans celui-ci. Qu’en dites-vous ? Vous êtes déjà beaucoup moins sûr de votre immortalité, j’en suis certain. Vous ne tenez pas à risquer d’aller la vérifier sur place…

« Poussons plus loin le raisonnement, voulez-vous ? Tout devient de plus en plus noir autour de vous… Ce sont les ténèbres de la mort qui arrivent, la fin de tout, la paralysie prochaine de certaines facultés… Le néant descend sur vous et vous enveloppe…

« Vos yeux deviennent fixes. Ils sont déjà vitreux. Ma voix ne vous parvient plus que faiblement et comme lointaine. C’est à peine si vous pouvez encore discerner mon visage… Et, sous ma poigne, vous vous débattez quand même. Vous lancez des coups de pied dans le vide. Votre corps se noue comme celui d’un serpent. Vos poumons cherchent un dernier souffle. Ils murmurent désespérément : « Vivre ! Vivre ! Je veux vivre ! »

Je n’en entendis pas davantage. Ma conscience s’était effacée dans ces ténèbres épaisses, dont Loup Larsen avait tracé verbalement le graphique, et je m’évanouis.

Lorsque je revins à moi, je gisais sur le parquet. Il était, lui, tranquillement assis, en train de fumer un cigare, et me regardait, amusé et pensif.

— Eh bien, êtes-vous convaincu maintenant ? me demanda-t-il. Tenez prenez un verre de whisky…

144