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Page:London - Le Loup des mers, 1974.djvu/154

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LE LOUP DES MERS

J’étais estomaqué d’une telle audace et je m’attendais à voir Leach anéanti dans l’instant.

Mais indifférent à l’insulte, Loup Larsen fit quelques pas et, appuyant avec nonchalance son coude sur un capot, il toisa pensivement le jeune homme qui continuait à l’injurier, comme personne ne l’avait jamais fait.

Les hommes de l’équipage, réunis en groupe et horrifiés, regardaient de tous leurs yeux, écoutaient de toutes leurs oreilles.

Les chasseurs de phoques sortirent précipitamment à leur tour, tandis que Leach, qui faisait bon marché de sa vie, me rappelait les prophètes de la Bible, lançant leurs malédictions sur les tyrans tout-puissants.

En proie comme eux à un délire sacré, qui confinait à la folie, il prononçait contre Loup Larsen une excommunication majeure, parcourant toute la gamme des accusations et l’invectivant, tantôt au nom de Dieu et de ses Saints, tantôt à grand renfort d’obscénités.

Ses lèvres étaient maculées d’écume. Par moments, il suffoquait, bredouillait et ne pouvait plus articuler ses mots.

Pendant ce temps, Loup Larsen, calme et impavide, toujours appuyé sur son coude et les yeux baissés, semblait perdu dans une infinie méditation. Ce bouillonnement sauvage de la vie, cette folle révolte déchaînée, ce défi furieux de la matière animée, excitaient sa curiosité au plus haut point.

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