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Page:London - Le Loup des mers, 1974.djvu/155

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JACK LONDON

À tout moment, moi et les autres, nous nous attendions à le voir bondir sur Leach et le massacrer. Mais tel n’était pas son caprice. Son cigare s’était éteint et il continuait à regarder, silencieusement.

Leach était arrivé au paroxysme d’une rage impuissante.

— Cochon ! Salopard ! répétait-il et hurlait-il, de toute la force de ses poumons. Pourquoi ne descends-tu pas de ton perchoir pour venir me tuer, assassin ? Tue-moi, si tu veux ! Qui t’en empêche ? Je n’ai pas peur de la mort ! Mieux vaut crever que vivre sur ton bateau. Viens donc, espèce de lâche ! Tue-moi ! Tue-moi ! Tue-moi !

L’affaire en était à cette phase, quand l’âme errante de Thomas Mugridge fit son entrée en scène.

Jusque-là, il avait écouté et regardé, de la porte de sa cuisine. Il sortait maintenant de son antre, sous prétexte de jeter des ordures par-dessus bord. En réalité, c’était pour assister à la tuerie qu’il jugeait imminente.

Il eut un sourire mielleux à l’adresse de Loup Larsen, qui ne sembla pas le voir. Mais il ne perdit pas contenance et, se tournant vers Leach, déclara, d’un ton de reproche :

— Quel langage ! C’est scandaleux !

La fureur de Leach ne demeura plus impuissante. Elle avait enfin trouvé un déversoir. D’autant que, pour une fois, le cuisinier était sorti sans son couteau.

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