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Page:London - Le Loup des mers, 1974.djvu/165

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JACK LONDON

et la chair pendant six mois. À Honolulu, j’ai chopé la petite vérole, et une pneumonie en Alaska. À Shanghaï, j’ai eu les deux jambes cassées dans un accident et, dans un autre, à Frisco, trois côtes brisées et le bassin fracturé.

« Et maintenant, je suis encore dans de beaux draps. Leach m’a défoncé la poitrine à coups de pied. Ces trois jours-ci, j’ai craché le sang, et ça va recommencer avant ce soir, parce que Loup Larsen m’a forcé à me lever.

« Qui me rachètera de toute cette misère ? Hein, dis-le-moi ! Ça n’est pas Dieu, à coup sûr ! Il doit solidement me haïr, puisqu’il m’a fait signer un pareil engagement, pour la traversée de ce bas monde.

Thomas Mugridge était lancé. Il poursuivit sa tirade contre la destinée, plus d’une heure durant.

Puis il reprit sa besogne coutumière, en clopinant et grognant ; ses yeux débordaient de haine pour la création entière.

Le diagnostic qu’il avait porté lui-même était malheureusement exact. De temps à autre, il était obligé de s’arrêter, en proie à de cruels malaises, pendant lesquels il crachait le sang et étouffait.

Dieu, comme il l’avait dit, semblait le haïr trop pour le laisser mourir une bonne fois. Effectivement, il reprit peu à peu du poil de la bête et redevint plus mauvais qu’il n’avait jamais été.

Plusieurs jours s’écoulèrent avant que Johnson pût se traîner sur le pont. Il était encore bien ma-

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