Aller au contenu

Page:London - Le Loup des mers, 1974.djvu/185

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
JACK LONDON

toutes les jointures des doigts du Canaque étaient à vif. Il les exhibait orgueilleusement, en ricanant de ses superbes dents blanches. Et il expliquait que ses blessures lui provenaient de ce qu’il avait frappé de toutes ses forces Loup Larsen à la mâchoire.

— Ce n’était pas Loup Larsen que tu frappais, sale moricaud ! C’était moi, imbécile ! beugla Kelly, un Irlandais émigré en Amérique, ancien matelot au cabotage, qui effectuait sa première campagne en pleine mer et était rameur sur le canot de Kerfoot.

Tout en parlant, il cracha un caillot de sang et plusieurs dents, et avança une face agressive vers celle d’Oofty-Oofty. Le Canaque bondit sur sa couchette et en tira un long couteau, qu’il brandit.

Leach qui, malgré sa jeunesse, avait plus de présence d’esprit et de sang-froid que tous les butors du poste d’avant, intervint :

— Voyons, Kelly, tiens-toi tranquille ! Oofty-Oofty ne l’a pas fait exprès. Comment aurait-il pu reconnaître que c’était toi dans le noir ?

Kelly obéit, en ronchonnant, et le Canaque remercia Leach, d’un sourire de ses dents blanches. L’Irlandais était un joli garçon, aux traits fins, presque féminins, avec de grands yeux doux et rêveurs, ce qui semblait en contradiction avec sa réputation, bien méritée, de bagarreur.

Comme Leach, Johnson s’était assis au bord de sa couchette.

186