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Page:London - Le Loup des mers, 1974.djvu/210

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LE LOUP DES MERS

Un jour, les embarcations s’étaient mises en route dès le matin, avec un léger vent d’ouest. Elles s’étaient égaillées au loin et les détonations des fusils ne parvenaient plus que faiblement à la goélette.

Puis, une à une, je les vis, du haut du grand mât où j’étais juché, disparaître complètement sur la courbure de l’horizon, tandis que mourait le bruit des fusils.

Sur ces entrefaites, le vent tomba, et le Fantôme s’immobilisa sur une mer inerte. Il était onze heures.

Loup Larsen commença à s’inquiéter, car le baromètre s’était mis soudain à baisser et le ciel, qu’il ne cessait d’interroger, devenait menaçant du côté de l’est.

— Ce soir, si la tempête éclate, le Fantôme aura des couchettes vides, me dit-il.

Un peu avant midi — alors que nous avions quitté depuis longtemps les latitudes tropicales — la chaleur devint étouffante. Il n’y avait plus dans l’air aucune fraîcheur et tout l’être humain était écrasé. C’était, comme le dit une vieille expression de Californie qui me revint à l’esprit, « un temps à cataclysme ». On avait l’impression qu’une catastrophe quelconque se préparait inéluctablement.

Lentement, les nuages venus de l’est envahirent le ciel et surplombèrent nos têtes pareils à une sierra calcinée des régions infernales. On en distinguait nettement les cañons vertigineux, les gorges

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