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Page:London - Le Loup des mers, 1974.djvu/217

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JACK LONDON

Les trois hommes vidaient l’eau, sans arrêt, au moyen d’écopes. Car chaque montagne liquide les submergeait et je m’attendais toujours, avec une angoisse renouvelée, à ne pas les voir reparaître. Le canot était projeté vers le ciel, avec la vague. Puis, au terme de son ascension, il se posait en équilibre sur sa crête et montrait alors sa quille, noirâtre et luisante.

L’espace d’un éclair, on apercevait les trois hommes qui continuaient à évacuer l’eau, avec une hâte frénétique, puis le canot retombait avec eux dans une vallée béante où il semblait s’engloutir.

Larsen donna un brusque coup de barre et la goélette vira presque totalement sur elle-même. Ma première pensée fut qu’il abandonnait un sauvetage considéré comme impossible, et j’en frissonnai. Mais je ne tardai pas à comprendre que cette manœuvre avait pour but, au contraire, de mettre le navire en panne, en déventant brusquement ses voiles.

C’est alors, comme l’avait prévu Loup Larsen, que la tempête se déchaîna. Une vague verdâtre, à laquelle notre immobilité n’offrait plus une résistance suffisante, s’abattit sur nous, translucide sur un fond d’écume laiteuse.

Je reçus sur tout le corps un choc écrasant, étourdissant. Je tombai, puis rebondis, je fus tourné et retourné en tous sens, tandis que j’avalais à pleine gorge l’eau salée. Puis je repris mon souffle et tentai de me relever.

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