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Page:London - Le Loup des mers, 1974.djvu/25

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Jack London

tarde dans un morceau informe de chair de tortue, que l’on fait se recroqueviller ou frissonner au contact du doigt.

Telle était l’impression de puissance produite par l’homme qui arpentait le pont de long en large. Solidement campé sur ses jambes, il frappait le plancher d’un pas sûr. Du balancement de ses épaules jusqu’au pincement des lèvres sur le cigare, il y avait, dans le moindre mouvement de ses muscles quelque chose de décisif, où se trahissait une force d’indomptable domination.

Mais, si étonnante que parût cette force tangible, elle semblait en annoncer une autre, une force intérieure, plus formidable encore, qui dormait dans ce colosse et pouvait, à l’occasion, se manifester tout à coup, terrible comme la colère du lion ou le déchaînement de la tempête.

Le coq, sur ces entrefaites, passa la tête par la porte de la cuisine. Il me fit un sourire encourageant, en même temps qu’il me désignait du pouce l’homme qui arpentait le pont, afin de m’indiquer que c’était là le capitaine, celui qu’il appelait « le vieux », l’être redoutable à qui je devais m’adresser, pour obtenir de lui l’autorisation de débarquer à terre.

Je pris tout mon courage, et, prêt à affronter l’orage éventuel qui menaçait, j’allais m’avancer, quand une suffocation plus violente s’empara du malheureux qui gisait sur le dos. Il se tordait et se tortillait convulsivement. Le menton faisait poin-

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