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Le Loup des mers

ter sa barbe noire vers le ciel et des râles d’agonie soulevaient plus violemment la poitrine. Je savais que, sous les poils, la peau prenait une teinte pourpre.

Loup Larsen interrompit sa promenade pour venir observer de plus près le moribond. Il le regarda avec attention et fit basculer du pied un seau de toile plein d’eau, qui était en réserve, posé à côté de l’homme.

Celui-ci commença à marteler l’écoutille à coups de talons, raidit ses jambes en un suprême effort, et balança sa tête de droite et de gauche. Puis les muscles se relâchèrent, la tête s’arrêta de rouler, la bouche exhala un long soupir, qui semblait exprimer une profonde délivrance.

Les mâchoires se refermèrent spasmodiquement, et la lèvre supérieure se retroussa, en découvrant une double rangée de dents jaunies par le tabac. Les traits se figèrent en une sorte de ricanement diabolique qui semblait narguer ce bas monde, que l’homme venait de quitter. Et ce fut tout.

Alors eut lieu une scène ignoble. Loup Larsen donna libre cours à sa colère, qui, tel un coup de tonnerre, se déchaîna sur le cadavre. Une bordée ininterrompue de jurons sortit de ses lèvres. Et ce n’étaient pas de méchants petits jurons, ni de simples expressions un peu vives.

C’était une avalanche de blasphèmes comme je n’en avais encore jamais entendus, percutants, incisifs, odieux. Jamais je ne m’étais seulement

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