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Page:London - Le Loup des mers, 1974.djvu/252

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LE LOUP DES MERS

Ce ne fut que le lendemain matin que la jeune femme fit son apparition à table.

Mon intention avait été que ses repas lui soient servis à part. Mais Loup Larsen ne l’avait pas entendu de cette oreille, et il m’avait demandé quel personnage extraordinaire ce pouvait être, pour ne pas venir manger avec tout le monde.

Lorsque Miss Brewster se fut assise parmi nous, ce fut une vraie comédie qui se déroula. Les chasseurs de phoques se tinrent cois comme des mollusques. Seuls, Jock Horner et Smoke furent un peu moins décontenancés. À la dérobée, ils lançaient de temps à autre des coups d’œil timides à la jeune femme, et se risquaient même à prendre part à la conversation.

Les quatre autres hommes ne quittaient pas du regard leur assiette et, tout en faisant aller leurs mâchoires, ils dressaient les oreilles, à l’imitation des animaux alertés.

Je l’observais moi aussi tout en menant la conversation. Loup Larsen, au début, parlait peu, se contentant de répondre lorsque la parole lui était adressée. Ce n’était pas qu’il fût précisément intimidé. Sa maîtrise de soi et son sang-froid coutumiers ne le quittaient pas et beaucoup plus que moi, il gardait son équilibre mental.

Mais il observait avec curiosité ce spécimen d’une nouvelle espèce qu’il avait devant lui, cet être d’une race différente de la sienne. Son regard, qui ne quittait pas la jeune femme, se promenait

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