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Page:London - Le Loup des mers, 1974.djvu/257

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JACK LONDON

parfois… comment dirais-je ? un peu violent. Et il faut bien se défendre. Énergiquement, même. Bien sûr, quand il est calme, comme en ce moment, il n’y a pas d’homme plus gentil. Mais il ne niera pas, je pense, qu’hier, sans remonter plus haut, il m’a menacé de me tuer.

J’étais exaspéré, à en étouffer, et cela devait se voir sur mes traits convulsés, car Loup Larsen, me désignant du doigt, s’écria, avec une infernale mauvaise foi :

— Je vous en prie, Miss, regardez-le. Il écume… Et c’est à peine s’il peut se dominer en votre présence. Vous ferez bien de vous méfier de lui… Ce qui est indéniable, en tout cas, c’est qu’il sait bien mal se tenir devant une femme… Quant à moi, je ne peux circuler sur le pont qu’en étant armé.

Et il secoua tristement la tête, en gémissant :

— Vous avouerez, Miss, que ça n’est pas une vie !

Les chasseurs de phoques s’esclaffaient. Leurs voix caverneuses, grondantes et rugissantes, résonnaient sauvagement dans l’étroit réduit. Toute la tablée était maintenant déchaînée.

Et, pour la première fois, je compris, devant cette femme, combien je m’étais assimilé peu à peu à ces frères de rencontre. J’en étais arrivé à partager leurs processus mentaux, à partager sans dégoût leur existence brutale. Leurs vêtements grossiers, leurs faces rudes, leur rire bar-

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