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Page:London - Le Loup des mers, 1974.djvu/258

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LE LOUP DES MERS

bare, le balancement de la cabine et ses lampes à roulis, tout cela m’était devenu à ce point familier que je ne le remarquais même plus.

Tandis que j’étendais du beurre de conserve sur un morceau de pain, mes yeux tombèrent sur ma main. Les doigts en étaient déformés et gonflés, leurs ongles bordés de noir, leurs phalanges à vif et enflammées.

Je sentais un matelas de barbe me descendre sur le cou. La manche de ma veste était déchirée. Le bouton manquait au col de ma chemise bleue, toute chiffonnée. Et le poignard dont avait parlé Loup Larsen pendait bien sur ma hanche, dans son fourreau. Toutes ces choses, et c’était là le plus effrayant, me semblaient, il y a un instant encore, parfaitement naturelles. Une réaction soudaine se produisit en moi et j’avais honte de ce que j’étais devenu.

Mais la jeune femme avait deviné la raillerie que contenaient les paroles de Loup Larsen. De nouveau, je lus la sympathie dans ses yeux, et une sorte d’étonnement décontenancé, alors qu’elle me regardait avec attention. Il était évident qu’elle n’y comprenait rien. Et il y avait de quoi.

Revenant à son idée première d’aborder à terre le plus tôt possible, elle suggéra :

— Nous rencontrerons peut-être un bateau qui me prendra avec lui…

— Dans les parages où nous sommes, nous ne