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Page:London - Le Loup des mers, 1974.djvu/261

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JACK LONDON

— Oui, mais comme vous n’êtes pas M. Van Weyden, je ne suis pas obligée de vous répondre, n’est-ce pas ?

Je voyais la malice pétiller dans ses yeux effarés et je me sentais mal à l’aise devant ce colloque, peu rassurant au fond pour la jeune femme, qui sentait bien toute la fausseté de sa situation. Je cherchais un moyen d’intervenir, quand Loup Larsen, revenant à la charge, demanda, sûr de son triomphe :

— Miss, pouvez-vous me dire si vous avez jamais gagné un dollar ?

— Mais certainement… répondit-elle lentement, en pesant ses paroles. (Le nez de Loup Larsen s’allongea. En d’autres circonstances, j’aurai ri de bon cœur.) Je me souviens, poursuivit-elle, qu’à l’époque où j’étais toute petite fille, mon père, un jour, m’a donné un dollar, parce que je m’étais tenue tranquille pendant cinq minutes.

Loup Larsen sourit, avec une indulgente condescendance.

— … Mais il y a très longtemps. Et c’était, alors, très gentil. Car personne, évidemment, ne peut exiger d’une petite fille qu’elle gagne son pain.

Elle se tut un instant, puis reprit :

— Maintenant, c’est très différent ; je gagne, par an, dans les dix-huit cents dollars.

Du coup, tous les yeux quittèrent les assiettes et convergèrent vers l’inconnue. Une femme qui

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