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Page:London - Le Loup des mers, 1974.djvu/345

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JACK LONDON

Comme j’avais prononcé ces paroles avec une grande tristesse, Maud me fit honte de mon découragement. Je m’en excusai et redevins rapidement maître de moi.

À sa demande instante — il était alors huit heures — je lui laissai prendre le quart jusqu’à minuit.

J’eus soin de l’envelopper dans une des couvertures et de mettre un ciré sur ses épaules. Elle enfila ses jambes dans des bottes de caoutchouc. Puis je m’étendis, pour me reposer, dans le fond du canot.

Mais je ne dormis que d’un œil. La frêle embarcation bondissait sans cesse sur la crête des vagues, qui venaient s’écraser contre sa coque ; les embruns nous aspergeaient régulièrement. Entre les abîmes de la mer et nous deux, il n’y avait, en tout et pour tout, que quelques centimètres de planches.

J’avais, cependant, passé des nuits plus dures sur le Fantôme. Et d’autres plus pénibles encore se préparaient peut-être.

Mais la crainte de la mort, je le répète, cette crainte qui m’avait si souvent assailli lorsque je me trouvais avec Loup Larsen et même Mugridge, n’était plus en moi. Maud Brewster, entrée dans ma vie, m’avait totalement transformé.

Par un paradoxe étrange, je n’avais jamais tenu à l’existence autant qu’à cette heure et, cette même existence, j’étais prêt à la sacrifier pour l’amour d’une femme.

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