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Page:London - Le Loup des mers, 1974.djvu/373

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JACK LONDON

Ce n’est pas sans émotion, et sans un tremblement nerveux, que la jeune femme et moi nous nous engageâmes au milieu du monstrueux troupeau.

Il y eut un moment où Maud ne put retenir un cri d’effroi, lorsqu’une femelle, qu’elle frôlait, tendait la gueule vers son pied pour la renifler.

Mais, sauf quelques grondements, dénués d’aménité, qui s’élevèrent de droite et de gauche, il n’y eut pas d’autres marques d’hostilité. Les bêtes, qui n’avaient jamais été attaquées dans leur île, étaient confiantes et sans peur.

Comme nous étions en plein milieu du troupeau, une des femelles se mit tout à coup à aboyer furieusement, sans cause apparente. Tout le harem se mit à l’unisson et ce fut un terrible tumulte.

Maud se serra contre moi.

— J’ai peur ! murmura-t-elle. (Elle frémissait de tous ses membres.) Puis, se reprenant, comme honteuse : J’ai peur… sans avoir peur, dit-elle en claquant des dents. C’est une peur purement physique.

Je passai mon bras autour de sa taille, comme pour la protéger. À cet instant, je me sentis fort et viril ; protecteur du faible, j’étais prêt à combattre pour la femme que j’aimais. La jeunesse de la race renaissait en moi. Je renouais avec l’existence primitive depuis longtemps oubliée.

— Ne craignez rien, il n’y a pas de danger…, lui assurai-je.

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