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Page:London - Le Loup des mers, 1974.djvu/401

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JACK LONDON

Loup Larsen ne tarda pas à revenir, traînant après lui une lourde cantine, qu’il déposa sur la trappe. Puis il alla en chercher une seconde, qu’il plaça sur l’autre, pendant que je gagnais les dernières marches de l’escalier.

Il le gravit à ma suite et, quand il fut sur le pont, repoussa le toit à glissière sur ce qu’il s’imaginait être ma prison.

Ses yeux éteints regardaient, sans un clignotement. Ils regardaient fixement l’avant du Fantôme. Je n’étais pas à deux mètres de distance dans ce qui aurait dû être leur champ de vision, et ils ne me voyaient pas.

J’en étais tout déconcerté et je me faisais l’effet d’être un fantôme. Devant Loup Larsen, je remuai la main, de droite et de gauche, sans qu’il en eût conscience.

Mais lorsque je me plaçai entre le soleil et lui, l’ombre mouvante passa devant sa figure, et je m’aperçus qu’il en avait ressenti l’impression.

Son visage se fit attentif et se durcit, tandis qu’il tentait d’analyser la sensation éprouvée. Mais il ne parvenait pas à l’identifier.

Je l’observais avec une curiosité qui n’était pas moindre. Je me demandais si la paralysie des nerfs optiques était complète ou si quelque trace de sensibilité y demeurait.

Ou bien la peau du visage percevait-elle la différence de température qui existait entre le passage, même fugitif, d’une ombre et la chaleur solaire ?

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