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Page:London - Le Loup des mers, 1974.djvu/70

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LE LOUP DES MERS

« Nous rêvons d’exploiter plus parfaitement nos semblables, de passer des nuits moelleuses, pendant que d’autres se chargent pour nous des plus ignobles besognes.

« Voilà ce que nous sommes, vous et moi. La seule différence est que j’ai gagné, en trimant dur, le bien-être dont je profite aujourd’hui. Tandis que vous… Qui vous a gagné le lit douillet où vous dormiez, les vêtements élégants que vous aviez sur le dos, les bons repas auxquels vous vous délectiez ?

« Pas vous, bien sûr. Vous n’avez jamais rien acquis à la sueur de votre front. Vous ressemblez à ces frégates qui foncent, à plein vol, sur les boobies[1] pour leur chiper les poissons qu’ils ont pris et s’en repaître à leur place. Vous mangez, vous aussi, la nourriture produite par d’autres hommes qui ne demanderaient pas mieux que de la consommer eux-mêmes.

Je protestai :

— Ça n’a rien à voir avec l’immortalité de l’âme.

Il continua, rapidement, les yeux étincelants :

— La vie je le répète, est quelque chose de répugnant. Et c’est cette saleté que vous voudriez éternelle ? Pourquoi ? Dans quelle intention avouable ? Votre vie a abordé la mienne par accident, et

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  1. Les frégates sont des oiseaux palmipèdes des mers tropicales, aux ailes énormes et puissantes. Les boobies sont d’autres oiseaux aquatiques, lourds d’allure et ressemblant au pélican.