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Page:London - Le Loup des mers, 1974.djvu/71

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JACK LONDON

vous n’avez qu’une idée, c’est de me fausser compagnie, pour recommencer à vivre comme un pourceau.

« Mais c’est ma volonté de vous garder avec moi, sur ce bateau. Je prétends faire quelqu’un de vous, ou vous briser. Je pourrais, à l’instant même, vous tuer d’un coup de poing. Car vous n’êtes qu’un minable avorton. Avec votre âme immortelle, êtes-vous seulement capable de me dire pourquoi je vous garde ici ?

— Parce que vous êtes le plus fort !

— Et pourquoi suis-je le plus fort ? Parce que je suis un plus gros morceau de ferment que vous. À des degrés divers, la vie est en nous. Elle s’agite et rêve de s’agiter éternellement. Voilà pourquoi, et sans autre raison valable, nous prétendons être immortels.

Là-dessus, Loup Larsen me tourna les talons et s’éloigna.

Je le vis bientôt s’arrêter, se retourner vers moi et m’appeler.

— À propos, me demanda-t-il, quelle somme le cuistot vous a-t-il volée ?

— Cent quatre-vingt-cinq dollars, capitaine.

Il hocha la tête et, pendant que je redescendais à l’intérieur du navire, afin de préparer la table pour le déjeuner de midi, je l’entendis qui abreuvait d’injures sonores le groupe de matelots qui manœuvrait.

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