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Page:London - Le Loup des mers, 1974.djvu/90

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LE LOUP DES MERS

en traversant le pont pour aller à la cuisine chercher un plat, Harrison toujours dans la même position. À table, Loup Larsen et les chasseurs de phoques plaisantaient sur des sujets variés.

Un peu plus tard seulement, j’eus la joie d’apercevoir Harrison qui, en chancelant, gagnait l’écoutille du poste. Il avait enfin rassemblé tout son courage et était redescendu.

Je desservais la table, quand Loup Larsen, avec qui j’étais seul, me demanda :

— Vous sembliez mal à l’aise, cet après-midi. Qu’aviez-vous donc ?

Je ne doutais pas qu’il sût aussi bien que moi ce qui m’avait rendu malade, presque autant qu’Harrison. Je répondis froidement :

— C’était à cause de l’incroyable brutalité avec laquelle vous avez traité ce pauvre garçon.

— En êtes-vous sûr ? N’avez-vous pas eu, plutôt, le mal de mer ?

— Non. Mais je connais la valeur de la vie humaine.

— Et quelle sorte de valeur lui donnez-vous ? Des mots ! des mots ! La preuve en est que, mis au pied du mur, vous êtes incapable de me répondre.

« La vie, dans l’univers, est illimitée. La nature en est prodigue. Regardez les poissons et leurs millions d’œufs. Vous-même, si votre seule occupation était de procréer, combien d’existences seriez-vous capable d’engendrer ? Et, si tous les êtres que vous auriez procréés se multipliaient dans les

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