Page:London - Le Talon de fer, trad. Postif.djvu/10

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

— Vous séparez donc la sincérité de la vérité ? demanda vivement Ernest, en riant.

Le Dr  Hammerfield resta un moment bouche bée et finit par balbutier :

— Le meilleur d’entre nous peut se tromper, jeune homme, le meilleur d’entre nous.

Un changement prodigieux s’opéra chez Ernest. En un instant il devint un autre homme.

— Et bien, alors, laissez-moi commencer par vous dire que vous vous trompez tous. Vous ne savez rien, et moins que rien, de la classe ouvrière. Votre sociologie est aussi erronée et dénuée de valeur que votre méthode de raisonnement.

Ce n’est pas tant ce qu’il disait que le ton dont il le disait, et je fus secouée au premier son de sa voix. C’était un appel de clairon qui me fit vibrer toute entière. Et toute la tablée en fut remuée, éveillée de son ronronnement monotone et engourdissant.

— Qu’y a-t-il donc de si terriblement erroné et dénué de valeur dans notre méthode de raisonnement, jeune homme ? demanda le Dr  Hammerfield ; et déjà son intonation trahissait un timbre déplaisant.

— Vous êtes des métaphysiciens. Vous pouvez prouver n’importe quoi par la métaphysique, et, cela fait, n’importe quel autre métaphysicien peut prouver, à sa propre satisfaction, que vous avez tort. Vous êtes des anarchistes dans le domaine de la pensée. Et vous avez la folle