Page:London - Le Talon de fer, trad. Postif.djvu/11

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passion des constructions cosmiques. Chacun de vous habite un univers à sa façon, créé avec ses propres fantaisies et ses propres désirs. Vous ne connaissez rien du vrai monde dans lequel vous vivez, et votre pensée n’a aucune place dans la réalité, sauf comme phénomène d’aberration mentale.

« Savez-vous à quoi je pensais tout à l’heure en vous écoutant parler à tort et à travers ? Vous me rappeliez ces scolastiques du moyen âge qui discutaient gravement et savamment combien d’anges pourraient danser sur une pointe d’aiguille. Messieurs, vous êtes aussi loin de la vie intellectuelle du XXe siècle que pouvait l’être, voilà une dizaine de mille ans, quelque sorcier peau-rouge faisant des incantations dans une forêt vierge. »

En lançant cette apostrophe, Ernest paraissait vraiment en colère. Sa figure empourprée, ses sourcils froncés, les éclairs de ses yeux, les mouvements du menton et de la mâchoire, tout dénonçait une humeur agressive. Pourtant c’était là simplement une de ses manières de faire. Elle excitait toujours les gens : son attaque foudroyante les mettait hors d’eux-mêmes. Déjà nos convives s’oubliaient dans leur maintien. L’évêque Morehouse, penché en avant, écoutait attentivement. Le visage du Dr  Hammerfield était rouge d’indignation et de dépit. Les autres aussi étaient exaspérés, et certains souriaient d’un air de supériorité amusée. Quant à moi, je