Page:London - Le Talon de fer, trad. Postif.djvu/95

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Cependant Ernest racontait comment il s’était élevé dans la société au point d’entrer en contact avec les classes supérieures et de se frotter à des hommes intronisés dans les hautes situations. Alors était venue pour lui la désillusion, et il la dépeignit en termes peu flatteurs pour cet auditoire. La nature grossière de leur argile l’avait surpris. Ici la vie ne lui apparaissait plus noble et généreuse. Il était épouvanté de l’égoïsme qu’il rencontrait. Ce qui l’avait étonné encore davantage, c’était l’absence de vitalité intellectuelle. Lui qui venait de quitter ses amis révolutionnaires, il se sentait choqué par la stupidité de la classe dominante. Puis, en dépit de leurs magnifiques églises et de leurs prédicateurs grassement payés, il avait découvert que ces maîtres, hommes et femmes, étaient des êtres grossièrement matériels. Ils babillaient bien sur leur cher petit idéal et leur chère petite morale, mais en dépit de ce verbiage, la tonique de leur vie était une note matérialiste. Ils étaient dépourvus de toute moralité réelle, comme celle que le Christ avait prêchée, mais qu’on n’enseignait plus aujourd’hui.

« J’ai rencontré des hommes qui, dans leurs diatribes contre la guerre, invoquaient le nom du Dieu de paix, et qui distribuaient des fusils entre

    « un honnête dollar » ou « un plein seau de mangeaille », dont l’invention était considérée comme un trait de génie.