Page:London - Le Talon de fer, trad. Postif.djvu/96

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les mains des Pinkertons[1] pour abattre les grévistes dans leurs propres usines. J’ai connu des gens que la brutalité des assauts de boxe mettait hors d’eux-mêmes, mais qui se faisaient complices des fraudes alimentaires par lesquelles périssent chaque année plus d’innocents que n’en massacra l’Hérode aux mains rouges. J’ai vu des piliers d’église qui souscrivaient de grosses sommes aux Missions étrangères, mais qui faisaient travailler des jeunes filles dix heures par jour dans leurs ateliers pour des salaires de famine, et par le fait encourageaient directement la prostitution.

« Tel monsieur respectable, aux traits affinés d’aristocrate, n’était qu’un homme de paille prêtant son nom à des sociétés dont le but secret était de dépouiller la veuve et l’orphelin. Tel autre qui parlait posément et sérieusement des beautés de l’idéalisme et de la bonté de Dieu, venait de rouler et de trahir ses associés dans une grosse affaire. Tel autre encore qui dotait de chaires les universités et contribuait à l’érection de magnifiques chapelles, n’hésitait pas à se parjurer devant les tribunaux pour des questions de dollars et de gros sous. Tel magnat des chemins de fer reniait sans vergogne sa parole donnée comme citoyen, comme homme d’hon-

  1. Nom donné d’abord aux détectives privés, puis aux gardiens de banques et autres domestiques armés du capitalisme, qui devinrent ensuite les Mercenaires organisés de l’Oligarchie.