Page:London - Le Tourbillon, trad Postif, 1926.djvu/98

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Elle soupira, profondément heureuse, et le regarda sans en avoir conscience, avec des yeux brillant d’amour.

— Je suis dans le même cas, dit-elle. Quand je dansais avec des jeunes gens, je n’osais jamais les laisser parler de ces choses-là, parce que je savais qu’ils en profiteraient. Tenez, avec eux, j’ai toujours l’impression que nous trichons et mentons l’un à l’autre, que nous jouons une intrigue comme dans un bal masqué.

Elle fit une pause, hésitant et réfléchissant, puis continua à voix basse :

— Je n’ai pas été endormie. J’ai vu et entendu bien des choses. J’ai eu des occasions, quand j’étais tellement fatiguée du blanchissage que j’aurais fait presque n’importe quoi. J’aurais pu en avoir, des chemisettes de fantaisie, et tout le reste… et peut-être même aurais-je pu monter à cheval. Il y avait le caissier d’une banque… un homme marié, s’il vous plaît. Il m’a parlé sans détours. Je ne comptais pas, vous comprenez. Je n’étais pas une jeune fille, avec des sentiments de jeune fille, ni rien de tout cela, mais une nullité, un zéro. Ça ressemblait à une conversation d’affaires. J’ai appris à juger les hommes d’après celui-là. Il m’a dit ce qu’il comptait faire. Il…

Sa voix s’éteignit tristement, et dans le silence qui suivit, elle entendit Billy grincer des dents.

— Vous n’avez pas besoin de m’en dire plus long, s’écria-t-il. Je sais. Nous sommes dans un vilain monde de sale vermine, dépourvu d’honnêteté, une énigme pour moi. Les femmes, avec ce qu’il y a de meilleur en elles, sont achetées et vendues comme des chevaux. Ce n’est pas de cette façon que je comprends les femmes ; ni les hommes non plus. Je ne puis considérer un homme autrement que comme volé quand il fait de pareils marchés. C’est drôle, n’est-ce pas ? Prenez pour exemple mon patron et ses chevaux. Il possède des femmes aussi. Il pourrait vous avoir possédée, puisqu’il est capable