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LE VAGABOND DES ÉTOILES

ments supplémentaires. C’est ainsi que j’appris qu’il avait, une première fois, profitant d’un moment où le gardien se trouvait à l’extrémité du corridor, rapidement tapoté ces mots :

« — Standing es-tu là ?

Et maintenant, attention, lecteur ! À ce moment, je partais justement pour mon excursion stellaire, vêtu de ma robe ténue, et, baguette en main, je courais après le mystère suprême de la Vie. Je ne répondis pas.

Morrell, une minute après, ne recevant pas de réponse, réitèra sa question. Ce fut l’horrible rappel à la terre, le coup de sabot du Destin, la torture atroce et déchirante, et le retour à ma cellule, à San Quentin. Une minute, pas plus, s’était écoulée entre la première question d’Ed. Morrell et la seconde. Et moi, j’avais eu l’impression d’errer pendant des siècles, à travers les étoiles !

Ce que je te conte ici, lecteur, doit te paraître, j’en suis certain, un « farrago » singulièrement incohérent, et je te l’accorde[1]. Et pourtant je ne dis rien qui, pour moi, n’ait été réel, aussi réel que le serpent que voit siffler vers lui l’homme en proie au delirium tremens.

Toujours est-il que j’étais devenu incapable de reprendre ma course à travers le ciel. Le tapotement des jointures d’Ed. Morrell me clouait derechef au monde d’effroi que j’avais fui.

Je tentai de lui répondre, de lui demander qu’il cessât. Mais je m’étais à ce point éliminé de mon corps que celui-ci ne m’obéissait plus. Mon corps gisait mort, sur les dalles de ma cellule, et je n’en occupais plus que le crâne. En vain je commandai à mon pied de frapper mon message. Il s’y refusa. Ma raison me disait que j’avais un pied. Et pourtant, en fait, je n’avais plus de pied.

Lorsque Morrell eut achevé d’épeler ses questions, voyant que je n’y répondais point, il y renonça.

Et je repartis hors de ma prison.

  1. Un « farrago » : amas de différentes espèces de grains. Au figuré : mélange confus de chose disparates.